Un compte rendu de la représentation de Parsifal lors du Festival de Bayreuth 2023 par J-F Rabain.
Cher ami, tu n’avais pas souhaité trop nous en dire sur ce Parsifal 2023, mis en scène par Jay Scheib, pour nous laisser tout l’intérêt de la découverte.
Si la direction musicale de Pablo Heras-Casado est réussie, je n’ai pas, pour ma part, ressenti autant d’émotions que les années précédentes avec la très belle mise en scène de Uwe Éric Laufenberg. Cette dernière production se déroulait dans un monastère du Kurdistan irakien et la transformation de la scène à la fin du premier acte (« tu vois mon fils, le temps ici devient espace ») nous emmenait très loin dans le cosmos, au-delà des galaxies, portés par la musique de Wagner et l’exceptionnelle acoustique du Festspielhaus.
Si cette année les chanteurs sont tous très bons (Andreas Schager/Parsifal, Derek Welton magnifique Amfortas, Georg Zeppenfeld/ Gurnemanz et surtout Ekatarina Gubanova magnifique Kundry), la mise en scène de Jay Scheib qui se veut, comme à l’habitude «moderne », ne met pas vraiment en valeur le thème mystique et rédempteur du drame wagnérien. Il met surtout en scène l’opposition classique amour charnel/amour spirituel sans son dépassement.
On assiste dès l’ouverture, à des ébats amoureux retransmis en vidéo entre Gurnemanz et une créature dès le premier acte (contresens total), ébats que l’on retrouve d’ailleurs vaguement au 3e acte (encore plus absurde..). C’est le 2e acte, celui du château de Klingsor et des filles-fleurs, qui m’a semblé le plus réussi sur le plan scénique, la beauté du décor s’imposant avec des couleurs magnifiques emplies de sensualité. Kundry reste la figure centrale dans cette production, la femme éternelle depuis la mère, l’amante et puis la mort (les trois Parques).
La mise en scène est un peu trash, Parsifal arrivant avec son cygne mort en ado ahuri au premier acte en jean et en baskets, puis au 2e acte en caleçon avec un tee shirt au dos duquel est inscrit : « Remember me ». (Parsifal le retour?). Il est vrai qu’il retrouve Kundry au 3e acte en mère vieillie aux cheveux blancs qui porte un oripeau sur lequel est inscrit « Forget me ». Les deux font la paire en anglais pour l’internationale. On aurait pu écrire cela dans la langue de Wagner et de Goethe, la salle étant remplie cette années à 80 % d’Allemands !
Beaucoup de couleurs jaune et bleues aussi pour évoquer l’Ukraine. Les treillis des chevaliers-soldats sont en jaune… Des femmes-moines-soldats font partie des Chevaliers de Montsalvat, parité oblige… Bref les metteurs en scène aujourd’hui sont « engagés », comme on dit.
Le Graal, la coupe sacrée, le Krater, auquel on aspire et qui vous crée une âme, explose presque sans bruit à la fin comme pour marquer le réchauffement climatique. Plus besoin de lire le livret, plus d’arrivée du Rédempteur, plus de transvaluation des valeurs, plus de foi mystique en l’Amour… Heureusement les chœurs sont magnifiques et la musique a transporté la salle dans l’Enchantement du Vendredi Saint...